Nous vous proposons la lecture de l’article d’ Olivier Cachin (RFI) sur Diam’s.
Le retour de Diam’s ? Non : Salam est un film sur la nouvelle vie de Mélanie Georgiadès, douze ans après la fin brutale de sa carrière artistique. Première et unique femme du hip hop français à avoir vendu plus d’un million d’albums, elle reste une référence pour un grand nombre.
Récapitulatif pour ceux qui auraient raté les précédents épisodes, ou “précédemment dans la carrière de Diam’s”, comme on dit dans le monde des séries : en 2009, Diam’s rappeuse adulée par le grand public, seule femme du hip hop français à avoir respiré l’air des sommets avec les ventes stratosphériques de son précédent album Dans ma bulle, annonce la sortie de S.O.S., un disque encore plus intime que son prédécesseur qui se conclut par un morceau de dix minutes au titre prémonitoire, Si c’était le dernier.
Il y eut peu de promotion pour ce sombre projet, aucune interview, et en guise de lancement promotionnel, une photo volée dans l’hebdomadaire Paris-Match la montrant habillée en abaya sortant d’une mosquée à Gennevilliers en compagnie de son mari. C’est la mort virtuelle de l’artiste Diam’s, qui renait à 29 ans en tant que Mélanie Georgiadès, renonce à la musique et part vivre dans les Émirats, loin du show-business.
Douze ans plus tard, BrutX produit un documentaire coréalisé par Houda Benyamina, Anne Cissé et l’ex-rappeuse, Salam, diffusé durant une période limitée au cinéma puis visible sur la plateforme BrutX. Entre mise au point et découverte de sa nouvelle vie, avec une visite en Afrique à l’orphelinat qu’elle a contribué à construire avec la Big Up Fondation, organisme caritatif qu’elle a lancé après sa retraite musicale, on découvre la nouvelle vie de Mélanie.
Le principal intérêt de ce documentaire atypique, c’est la parole de Mélanie. Car les fans doivent être prévenus, même s’ils doivent bien s’en douter, pas question ici d’entendre une note du répertoire rapologique de Diam’s, ni d’entrevoir un simple extrait de clip.
Ce monde d’avant, s’il est le jardin nostalgique des fans qui ont adoré Ma France à moi, La Boulette (Génération Nan Nan) ou Confessions nocturnes, n’existe plus pour l’ex-artiste. Pourtant, on a droit à des images de Diam’s en 2021 au Zénith de Paris… Mais la salle est vide, et Mélanie la parcourt en se remémorant ces concerts blindés, cette ferveur du public qui vibrait à l’unisson sur ses chansons, et on se demande même un instant si parfois ne pointe pas sa nostalgie à elle.
Aucun regret pourtant n’est exprimé ici, et pour meubler les images, une bande-son faite de poésies semi slammées, sur un fond sonore tapissé de chœurs qui semblent chanter des psaumes. “La douleur dans mon cœur, j’en fais quoi ? Et la folie dans ma tête, j’en fais quoi ? D’ailleurs, est-ce que je suis folle ou est-ce que tout était fou ?”
Pour ce qui est des intervenants, on notera la présence de sa mère, du footballeur Nicolas Anelka, de l’écrivaine Faïza Guène et de la chanteuse Vitaa, celle qui est toujours restée proche. Tous sont cadrés en très gros plan, avec une chape de noir qui entoure leur visage. Pour ce qui est des images, en lieu et place des clips ou concerts absents, des longs travellings de drones sur des girafes dans la savane, des vagues sur une plage au petit matin, comme des illustrations de karaokés, sans aucun lien avec la narration de Mélanie à part si on considère qu’elles représentent la paix et le retour à la nature…
Elle raconte une nouvelle fois, comme dans son livre autobiographique paru en 2013, sa conversion à la prière avec son amie, ses dépressions et sa consommation intensive de médicaments, mais montre aussi, à travers une longue conversation téléphonique avec son père, qu’elle a abandonné son ressentiment envers son géniteur, signe d’un apaisement qui s’est exprimé aussi bien avec ses parents qu’avec son nouvel entourage. Une longue, très longue séquence est consacrée à ses interactions avec les enfants de l’orphelinat, comme une version moins formelle du genre de charité pratiquée par la famille royale anglaise. De Lady Diana à MC Mélanie…
Le choix spirituel de Mélanie Georgiadès est respectable. Ce film montre une femme en paix avec elle-même tentant d’exorciser les derniers démons de son passé d’artiste. Celle qui contra Marine Le Pen avec des mots doux et puissants à la fois, qui fut l’incarnation d’une génération venue au rap grâce à sa personnalité sans pareil et son flow à la foi frénétique et riche de sens, est désormais une autre femme.
Certains critiques cinématographiques ont vu dans Salam de la propagande. C’est sûrement exagéré, mais l’absence de contre-discours et l’impasse volontaire faite sur son œuvre font que ce docu plus spirituel qu’artistique est réservé aux inconditionnels de Mélanie.
Les fans de Diam’s à l’ancienne devront se contenter de réécouter ses disques, ou d’attendre un autre documentaire sur la carrière de celle qui brisa la malédiction du rap féminin et devint la première et unique femme du hip hop français à vendre plus d’un million d’albums.
Salam, documentaire de Diam’s, Houda Benyamina et Anne Cissé (sortie 1er juillet 2022)
Par : Olivier Cachin